Schelin : « Cette année m’a comblée »
Le mois dernier, Lotta Schelin a vécu une situation qui avait des airs de déjà-vu. Sur scène, l’attaquante de l’Olympique Lyonnais est tout sourire. Elle vient d’être nommée meilleure footballeuse suédoise de l’année pour la cinquième fois. À ses côtés, Zlatan Ibrahimovic s’apprête à recevoir le trophée équivalent chez les hommes.
Schelin et Ibrahimovic évoluent au même poste, ont le même physique imposant, le même flair devant le but adverse et le même rôle emblématique en club comme en sélection. Les deux compatriotes sont pensionnaires du championnat de France. Récemment, un autre point commun est venu s’ajouter à cette longue liste lorsque Schelin a dépassé Hanna Ljungberg au classement des meilleures buteuses de l’histoire de la sélection suédoise avec 72 buts, un mois après qu’Ibrahimovic eut réalisé le même exploit chez les hommes en dépassant Sven Rydell (49 unités).
« Ces comparaisons font toujours plaisir », affirme Schelin devant le micro de FIFA.com. « Après tout, Zlatan est l’un des meilleurs footballeurs du monde. C’est un véritable guerrier sur le terrain, doté d’une technique fantastique et d’une formidable volonté de gagner. Pour moi, il est également une source d’inspiration. J’adore le regarder jouer. Mais j’aimerais que les jeunes joueuses m’admirent en tant que Lotta Schelin, et non comme la version féminine de Zlatan. »
Aujourd’hui âgée de 30 ans, elle sera l’une des joueuses les plus attendues de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA™, Canada 2015. Elle est plus affûtée que jamais, comme le prouve le nouveau jalon qu’elle a posé à Lyon, où elle vient de devenir la meilleure buteuse de l’histoire du club. Entretien.
Lotta, l’année a une nouvelle fois été riche pour vous, avec la qualification pour la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, un nouveau titre de meilleure footballeuse suédoise ainsi que deux records de buts inscrits, d’abord en sélection, puis en club. Êtes-vous de votre année 2014 ?
Cette année m’a comblée, avec beaucoup de réussite, pas mal de buts et ces records en guise de cerise sur le gâteau. Quand on commence dans le football, on ne pense évidemment pas à battre des records, mais quand ils arrivent, ils font très plaisir. Avec l’âge, et quand vous avez passé pas mal d’années au plus haut niveau, les records viennent vous rappeler que vous avez fait les choses correctement tout au long de votre carrière. Donc oui, je suis fière de cela.
Cela fait six ans que vous êtes à Lyon. Vous avez gagné deux Ligues des champions de l’UEFA et six titres nationaux. A la base, considérez-vous avoir pris un risque en optant pour le championnat de France ?
Quand j’ai choisi de rejoindre la France, beaucoup en Suède se sont demandé : « mais qu’est-ce qu’elle fait ? », sachant que le championnat suédois était très compétitif et que peu pouvaient évaluer le niveau réel du championnat de France à cette époque. Mais j’avais besoin d’un nouveau défi, et j’ai senti un réel désir à l’Olympique lyonnais de faire quelque chose de spécial autour de leur équipe féminine. J’ai apprécié, j’ai choisi de m’inscrire dans ce projet, et je ne le regrette absolument pas. Le dirigeants avaient pour objectif de remporter la Ligue des champions, ce que je trouvais très ambitieux : nous l’avons remportée deux fois. A la base c’était donc un risque, mais un risque que je suis très heureuse d’avoir pris.
Le Paris Saint-Germain conteste de plus en plus la suprématie lyonnaise. Est-ce source de motivation ?
Le PSG nous met au défi depuis quelques temps maintenant, et je pense que c’est très bien pour le football féminin français et européen. Paris a même désormais un budget plus important que le nôtre, mais être en compétition avec un club ambitieux ne peut être que positif. A nos yeux, le plus important, c’est que l’on réussisse à relever ce défi et que nous soyons parvenues à rester devant, au moins jusqu’à maintenant.
N’avez-vous jamais été tentée par une aventure en Allemagne ou aux Etats-Unis ?
A chaque fois que se pose la question d’une prolongation de mon contrat à Lyon, je me demande si le moment n’est pas venu de partir. Mais j’ai toujours été heureuse à Lyon, le club est très bien structuré, et j’ai le sentiment qu’il y a cette stabilité que je ne trouverai peut-être pas aux Etats-Unis par exemple. L’idée de revenir en Suède me trotte également dans la tête, et même si je ne peux jurer de rien, je pense que c’est ce qui se produira un jour. Je suis convaincue que si je devais quitter la France, la Suède serait mon premier choix parmi les destinations possibles. Si je suis très heureuse ici, mon pays me manque beaucoup.
En sélection, vous avez battu le record d’Hanna Ljungberg. A-t-elle été une source d’inspiration pour vous quand vous étiez plus jeune ?
Oh, bien sûr. Quand j’ai été appelée pour la première fois en équipe nationale, il y avait deux attaquantes fantastiques, Hanna et Victoria Svensson. J’ai vécu un processus d’apprentissage absolument merveilleux avec ces joueuses. Elles m’ont beaucoup appris et j’adorais les regarder jouer.
Maintenant, vous êtes vous-même une source d’inspiration pour les jeunes. Ce rôle vous convient-il ?
Oui, complètement. D’ailleurs, cela me fascine toujours de voir de quelle manière notre rôle change avec l’âge. Au fil des années, les responsabilités augmentent. Mais je dois dire que j’ai eu du mal à accepter ces responsabilités, car je ne me suis jamais considérée comme une joueuse cadre. Dans ma tête, j’ai toujours été jeune (rires).Même si lorsque j’ai fêté mes 30 ans, un peu plus tôt cette année, ça m’a fait bizarre. C’est là que j’ai réalisé que je ne faisais plus partie des jeunes. D’un côté, ce n’est qu’un nombre, mais de l’autre, ce « 3 » au début de votre âge vous dit qu’il ne vous reste plus beaucoup d’années au plus haut niveau. Ce n’est pas quelque chose de négatif. Vous réalisez simplement que vous faites désormais partie des joueuses les plus expérimentées de l’équipe. C’est positif. Et puis, il me reste quand même quelques belles années devant, en sachant que tout le temps qui me reste au plus haut niveau ne sera que du plaisir, car je n’ai plus rien à prouver à personne. Je suis toujours motivée pour progresser, mais j’ai déjà réussi une carrière dont je peux être fière.
Lors de la Coupe du Monde au Canada, la Suède a été versée dans le groupe des États-Unis, du Nigeria et de l’Australie. Pouvait-on imaginer un tirage plus difficile ?
C’est vrai, mais en même temps, nous sommes un peu habituées à ce qu’on appelle les « groupes de la mort ». En fait, je ne me souviens pas d’une Coupe du Monde où nous ne sommes pas tombées dans le groupe qui était considéré comme le plus difficile. Mais cette fois, étant donné qu’il y a plus d’équipes engagées, on se dit qu’on n’a effectivement pas eu de chance. Ce n’est pas le tirage dont nous rêvions, mais d’un autre côté, ça nous motive. Si nous réussissons à passer ce groupe, nous deviendrons automatiquement des candidates au titre. C’est l’aspect positif. Et puis, ça peut être une bonne chose de commencer la compétition contre les meilleures équipes, à condition évidemment d’être à la hauteur dès le début.
Votre sélectionneuse, Pia Sundhage, a reconnu qu’il était assez difficile de mettre en place un nouveau style basé sur la possession de balle afin de pouvoir se créer beaucoup d’occasions. Cette transition a-t-elle été effectuée ?
Oui. La question est maintenant de savoir si nous serons à notre meilleur niveau au coup d’envoi de la Coupe du Monde. Je suis persuadée que nous le serons, physiquement, mentalement et tactiquement. Concernant notre style, nous avons beaucoup travaillé dessus durant les qualifications. Ça a pris du temps, mais c’est normal. Quand vous essayez quelque chose de nouveau – dans notre cas, il s’agit d’avoir la plus grande possession de balle possible -, vous avez tendance à oublier les fondamentaux, ce que vous avez su toujours faire. Il n’y a aucun doute là-dessus. Cela nous a pris du temps pour trouver l’équilibre entre ce nouveau style basé sur la possession et l’aptitude à déclencher des contre-attaques rapides et dangereuses, comme nous savons le faire depuis longtemps. Nous maîtrisons de mieux en mieux cet équilibre et j’espère que nous le ferons à la perfection dès le coup d’envoi de la Coupe du Monde.
La dernière fois, vous avez gagné la médaille de bronze. Pensez-vous pouvoir décrocher une nouvelle médaille, peut-être d’une autre couleur ?
C’est notre objectif. Mais en même temps, nous sommes humbles et conscientes que pas mal d’autres équipes ont le même objectif que nous. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de nous préparer au mieux pour atteindre cet objectif. Comme toujours, il nous faudra un peu de chance si nous voulons aller au bout. On ne peut pas gagner une compétition sans ça. Mais le sentiment général est que nous avons les moyens de réussir quelque chose au Canada.