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22 November 2024
Requiem pour les hommes en noir

Requiem pour les hommes en noir

Mar 8, 2013

FC Internazionale Milano v AC Milan - Serie A

Cela m’a pris quelques jours afin de pouvoir m’installer devant mon écran de portable afin de décrire une expérience déstabilisante au cœur de laquelle j’ai été un acteur, un spectateur, un arbitre voire une victime… Décanter tout ce qui a été vu, entendu et vécu en l’espace de moins de quarante huit petites heures demandait une remise en perspective pour pouvoir relativiser cette expérience qui a changé notre perception de ce qu’était au départ un moment passé en bonne compagnie.

Le tout a commencé lorsqu’un de mes meilleurs amis qui arbitre au niveau provincial me propose d’aller officier un tournoi en compagnie d’un groupe que je connaissais très bien, ce que nous ne connaissions pas par contre était le tournoi… Je ne ferai nullement mention ici du nom du tournoi car ce n’est pas le but de cet exercice. Naïvement, nous pensions que nous passerions un bon moment en arbitrant quelques parties et en repartant avec quelques anecdotes à raconter comme c’est le cas dans pareille fin de semaine.

Plusieurs équipes de partout dans la province avaient effectué le déplacement pour participer à cette compétition de quatre contre quatre. L’envergure de ce tournoi nous a un peu déboussolé car nous ne pensions pas qu’il y avait autant d’équipes. D’autant plus que certains d’entre nous n’arbitrions pas sur une base régulière, nous allions dépanner mais trop rapidement la réalité nous a rattrapé…

Après la route nous logions à la même enseigne que les équipes que nous allions arbitrer et tout le monde avec sa journée de travail dans le système devions nous reposer un tant soit peu en vue de la journée chargée qui nous attendait. Un horaire sur papier est lourd lorsqu’il est chargé, mais il devient titanesque lorsque l’officiel devient la cause de tous les maux de ce sport qui est fantastique lorsqu’il est joué de façon correcte.

 

Les vrais responsables de la défaite

Nos premiers matchs se sont bien déroulés de façon générale, mais plus la journée avançait et plus les catégories se confondaient, plus la tension augmentait. Un joueur peut connaître une mauvaise partie et c’est la même chose pour un officiel qui peut faire des appels douteux, qui peut ne pas voir ce qui se passe lorsque des infractions sont commises de façons simultanées. J’ai connu un de ces mauvaises performances et un joueur en particulier me l’a fait remarqué et ce, encore plus lorsque son équipe a perdu, il m’a tout simplement invectivé en me traitant de pourri à la fin de la partie perdue par un but. Le fait est que je connaissais deux joueurs de cette équipe et c’est la raison pour laquelle je ne lui ai donné qu’un carton jaune pour ses propos que je devinais mineurs car je crois qu’il en a dit de bien pires que je n’ai pas entendu ou que je n’ai pas voulu entendre.

Pendant ce même match ce même joueur a raté plusieurs actions qui auraient vraisemblablement menées à des buts tout comme ses coéquipiers. Pour la défaite, le blâme reposait uniquement sur mes épaules alors que ses inaptitudes et celles de ses coéquipiers à conclure les actions ayant mené à des buts ne comptaient plus… La remise en question dans la défaite est donc aussi logique que un et un font trois car les officiels sont responsables du résultat final pour l’équipe perdante et ce à tous les coups, tout le monde sait ça !!! Je pourrais ici soulever le questionnement sur le format de jeu à quatre contre quatre en gymnase qui entraine plusieurs contacts en raison de l’espace réduit.

Il n’y a cependant pas eu que des parties où tous les joueurs semblaient vouloir s’arracher les jambes puisqu’il y avait des équipes qui étaient venues pour jouer au ballon dans sa plus pure tradition. J’ai eu le privilège d’arbitrer des joueurs d’un talent immense que me respectait et qui ne jouaient pas des coudes donc je n’ai eu qu’à appeler que quelques fautes mineures ce qui m’a réconcilié momentanément avec l’arbitrage.

Après une dizaine de parties arbitrées dans la même journée, j’ai décidé de tirer ma révérence car j’étais totalement vanné physiquement et défait mentalement… Il me restait trois parties pour finir ma journée et six le lendemains dont trois finales, j’ai fait savoir au responsable de l’arbitrage que j’en avais assez vu, assez entendu et assez subi car après tout je venais pour arbitrer quelques parties pas vingt en deux jours… Je dois ici lever mon chapeau à mes trois collègues et amis qui eux n’ont pas fait défection et qui ont accompli leurs parties jusqu’au bout, mal leur en soi car le pire était à venir.

 

Du rôle des entraineurs et de la (l’ir)responsabilité des parents

Sur un autre terrain à la fin de notre première journée d’arbitrage et dernière journée dans mon cas, j’ai su de façon bien étrange qu’une bagarre générale avait eu lieu au cours… En communiquant via messagerie texte avec un parent et ami pour une question relative au soccer dans l’association dans laquelle je travaille, il me dit qu’il avait assisté à cette bagarre puisque son fils joue pour une équipe présente au tournoi et il se trouvait là par hasard. L’équipe était celle dont je connaissais deux joueurs en plus de mon ami qui m’avait avec force et conviction traité de cr… de pourri. Qui plus est, c’est l’un des nôtres qui arbitrait cette partie…

En effet, le tout avait dégénéré au point que le tout se termine par des coups de poings distribués avec conviction par l’équipe qui perdait la partie (pas celle de mon fan numéro un qui elle a été la victime dans le cas que j’évoque ici) !!! L’arbitre a dû éviter le premier coup de poing alors qu’il donnait un avertissement pour conduite antisportive envers un joueur qui célébrait de façon à narguer l’adversaire qui perdait 4 à 0. Le gardien s’est jeté sur le joueur pour lui asséner une droite qui a atteint la cible et qui a failli s’écraser sur le visage de notre ami arbitre stupéfait de la tournure des événements. Il s’en est suivi une mêlée au cours de laquelle plusieurs coups ont été distribués. Il a du expulser plusieurs joueurs en plus de vivre une expérience exécrable !!!

Me promenant d’un terrain à l’autre, j’ai vu un des collègues sortir un carton rouge pour un geste violent et excessif et cela a provoqué l’ire de l’équipe avec maintenant un joueur en moins alors qu’elle perdait 6 à 0… La violence est donc la vraisemblable réponse à la frustration de ne pouvoir être compétitif il paraît…

Je terminerai les exemples trop nombreux par la cerise sur le gâteau de l’inadaptation sociale des spectateurs se croyant au dessus, eux aussi, des règles. La dernière journée de compétition, le plus chevronné de notre équipe d’arbitre officiait une partie où le tout se déroulait tout à fait normalement mis à part quelques infractions mineures, le tout est devenu hors contrôle lorsque lors d’un duel cinquante-cinquante un joueur est arrivé premier au ballon ce qui a résulté en un contact…

L’un des joueurs est tombé sur la surface dure qui est caractéristique d’un gymnase, une faute a été appelée, mais devant l’absence d’un avertissement ou d’une expulsion la mère du joueur au sol est littéralement sautée sur le terrain. Elle est venu confronté notre collègue au point où je pensais qu’il allait se faire frapper, elle lui criait à quelques centimètres du visage, le menaçant ouvertement… Notre collègue disait à cette femme hors de contrôle de quitter le terrain ce qu’elle n’a pas voulu faire, il a donc décidé de quitter la partie qui a été terminé par un bénévole du tournoi. Le reste de notre équipe d’arbitre était sur les abords du terrain et témoin de cette pitoyable scène, nous sommes allé rejoindre notre ami en traversant le gymnase d’un pas décidé pour ne pas dire déchaîné…

Nous avons criés haut et fort qu’on en avait souper de se faire traiter comme des moins que rien en quittant le lieu de compétition. Cette solidarité nous a redonné un statut d’humain que nous n’avons cessé de perdre tout au long de ce tournoi qui partait en vrille… Les spectateurs qui, le moment d’avant, hurlaient leur mécontentement baissaient tous les yeux sur notre passage. La décision qu’à prise l’un d’entre nous de quitter sa partie fut la meilleure de la fin de semaine puisque cela nous a redonné notre place dans ce qui s’appelle la dignité tout en calmant le reste de la compétition…

Au bout du compte les équipes repartaient avec une bannière pour cristalliser leur victoire au tournoi en plus d’un sentiment de fierté, mais à quel prix les récompenses se doivent elles d’être gagnées ? Est ce à celui de la démesure des parents et des entraineurs qui veulent parfois plus la victoire que les jeunes ? Est ce à celui de donner un piètre exemple de conduite anti sportive à répétition ? Est ce à celui de montrer du doigt les officiels dans la défaite ? Ma retraite de l’arbitrage m’a fait comprendre que je ne suis pas taillé dans le moule de l’indifférence, de cette épaisse carapace de laquelle doivent se couvrir les arbitres pour pouvoir continuer à offrir leur service pour le bon fonctionnement du sport.

En attendant mes amis et collègues combien de commentaires déplacés n’ais je entendu, toutes ces inepties visant personnellement l’arbitrage me font dire que ces détracteurs ne méritent pas de se faire arbitrer, ne mérite pas que quelqu’un prenne la peine de se déplacer pour ainsi se faire traiter. Pour toutes ces raisons et cette décevante expérience je rangerai mon badge loin d’une éventuelle utilisation et je ne peux que manifester mon respect pour « les hommes en noir»…

Miguel A. Ruiz