Le Qatar cible de nouvelles accusations
PARIS | L’attribution du Mondial 2022 au Qatar est au centre de nouvelles accusations après les révélations du «Sunday Times» affirmant dimanche qu’un ancien haut responsable qatari aurait versé des pots-de-vin pour s’assurer de soutiens pour la candidature de son pays.
À huit ans du coup d’envoi de la Coupe du monde dans le richissime émirat gazier du Golfe persique, la polémique n’en finit pas de rebondir sur les modalités d’attribution de la compétition par le comité exécutif de la FIFA, le 2 décembre 2010 à Zurich.
La nouvelle salve est encore venue de la presse britannique, qui ne cesse de dénoncer un système présumé de corruption ayant abouti à la désignation du Qatar. L’Angleterre était candidate à l’organisation du Mondial 2018, confiée à la Russie.
Le «Sunday Times» précise être en possession de milliers de courriels et d’autres documents attestant de présumés versements d’argent effectués par le Qatarien Mohamed Bin Hammam, à l’époque membre du Comité exécutif de la FIFA et radié à vie en 2012 pour corruption.
Ces documents tendent à démontrer que Bin Hammam, qui était également président de la Confédération asiatique, se servait de caisses noires pour verser des sommes en espèces à des personnalités éminentes du football international afin d’obtenir un soutien massif à la candidature du Qatar.
Le Qatar a mis quelques heures à réagir, dans un virulent démenti.
«À la suite d’articles de presse d’aujourd’hui, nous nions avec véhémence toutes les allégations de mauvaise conduite», a écrit le Comité de candidature du Qatar dans un communiqué, ajoutant que «toutes les mesures nécessaires pour défendre l’intégrité de la candidature du Qatar» seront prises. Ses avocats «sont en train d’examiner cette question», a ajouté le texte.
Le Qatar a obtenu le Mondial 2022 «parce que c’était la meilleure offre et qu’il était temps pour le Moyen-Orient d’organiser sa première Coupe du monde», a conclu le Comité.
Axe Bin Hammam-Warner-Afrique
Le journal britannique ajoute que Bin Hammam, dont le comité de candidature dit qu’il «n’a joué aucun rôle officiel ou officieux» en son sein, a versé des pots-de-vin à hauteur de 200 000 $ sur des comptes contrôlés par les présidents de 30 fédérations africaines.
Il a aussi organisé des soirées caritatives en Afrique au cours desquelles il a également délivré des fonds pour soutenir la candidature du Qatar.
Toujours selon le «Sunday Times», il aurait aussi versé 1,6 million $ sur des comptes appartenant à l’ex-président de la CONCACAF, Jack Warner, également ex-vice président de la FIFA, démissionnaire en juin 2011. Il aurait reçu 450 000 $ avant le vote pour désigner le pays organisateur du Mondial 2022.
Le «Daily Telegraph» avait déjà pointé il y a deux mois le rôle trouble joué par Warner, expliquant que des membres de sa famille auraient reçu environ 1,43 million d’euros d’une entreprise du Qatar détenue par Mohamed Bin Hammam.
Ces nouvelles révélations interviennent à une semaine du Congrès de la FIFA, du 9 au 12 juin à Sao Paulo (Brésil), où le président Joseph Blatter devrait annoncer sa candidature pour un cinquième mandat. Le dirigeant suisse âgé de 78 ans, lancé dans une précampagne électorale, ne cesse depuis des mois d’exprimer des réserves au sujet du Qatar, sans remettre en cause la tenue du tournoi dans l’émirat.
Blatter, qui avait voté en faveur de la candidature des États-Unis, a ainsi reconnu le 16 mai que confier l’organisation du Mondial 2022 au Qatar en été avait été une «erreur» et pointé des pressions politiques de la France et de l’Allemagne pour favoriser ce pays.
Des accusations qualifiées par Paris «d’allégations sans fondement».
Des voix pour un nouveau vote
En mars, la FIFA avait expliqué avoir «une part de responsabilité» dans le sort des travailleurs immigrés sur les chantiers, dénoncé par de nombreuses organisations des droits de l’Homme.
Ni la FIFA, ni les autorités du Qatar, joints par l’AFP, n’ont réagi.
Si Blatter s’est prononcé pour la tenue du Mondial 2022 en hiver, il a toujours indiqué que la compétition se jouerait bel et bien au Qatar.
En août 2012, l’ancien procureur américain Michael Garcia, à la tête de la chambre d’instruction du nouveau comité d’éthique, indépendant de la FIFA, avait annoncé qu’il allait enquêter sur l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 afin de distinguer «allégations» et «informations».
Une rencontre serait d’ailleurs prévue lundi à Oman entre Garcia et des membres du comité d’organisation qatari. Aura-t-elle lieu, à la lumière des nouvelles révélations?
Une chose est sûre, des voix se font désormais entendre, essentiellement au Royaume-Uni, pour demander le retrait du Qatar. John Whittingdale, président de la commission parlementaire britannique chargée des Sports, a réclamé l’organisation d’un nouveau vote.
L’un des huit vice-présidents de la FIFA, le Nord-Irlandais Jim Boyce, a indiqué à la BBC qu’il serait favorable à cette issue si les accusations de corruption étaient confirmées par la chambre d’instruction.