L’autonomie du jeune joueur
Entendus dans les estrades ou sur les abords d’un terrain, les encouragements des parents se mélangent parfois avec des conseils «techniques» envers les jeunes qui en plus de composer avec un stress nouveau qu’est celui de la compétition reçoivent plusieurs indications de différents intervenants. Les entraineurs deviennent une nouvelle figure à considérer, ils s’additionnent aux figures d’autoritéavec lesquelles le jeune doit composer comme les enseignants et autres qui travaillent avec eux, pour eux. Les parents demeurent cependant la figure de référence et c’est pourquoi les conseils qu’ils prodiguent au cours des parties peuvent influencer le jeune qui commence à peine à développer sa prise de décision.
Je me permets ici de donner l’exemple d’un gardien que j’entrainais cet hiver qui prenait des décisions douteuses à l’occasion et qui semblait un peu trop fébrile dans ses choix. Au lieu de prendre le ballon dans ses mains et de calmer le jeu comme nous lui avions montré, il faisait des sorties hasardeuses et dégageait en touche voire n’importe où… Son père dans les gradins lui prodiguait des conseils ce qui déstabilisait le jeune gardien qui finissait par prendre les conseils paternels au pied de la lettre au lieu de faire son propre choix. «Dégage, dégage, dégage» et les dégagements s’en suivaient jusqu’au moment ou j’ai du me déplacer vers l’estrade pour suggérer de simplement encourager au lieu de commander une action inappropriée.
Sur le site de l’Association régionale de soccer de Québec un texte de Bobbie Howe, Directeur des entraîneurs de la Fédération américaine de soccer (USSF) qui s’intitule Laissons les jouer stipule :
À cet âge (8 à 12 ans), les enfants sont coordonnés et motivés. Ils ont de bonnes relations avec les parents, les professeurs, les entraîneurs. Il est donc important que les influences qu’ils subissent leur apportent les meilleures informations.
Un parent donc qui donne des conseils à répétition à son enfant risquera de déstabiliser les décisions prises par le jeune. Certains parents ont un bagage d’entraineur et de joueur et possèdent un bon bagage de soccer, mais ils ne savent pas ce que l’entraineur a donné comme consignes à ses joueurs donc ses commentaires n’auront pas l’effet escompté loin de là.
Un autre exemple que je peux souligner ici est celui d’un jeune qui s’est toujours fait entrainer par son père et qui joue pour une équipe dirigée par quelqu’un d’autre. Son père dans les estrades continue de le «coacher» et ses qualités techniques diminuent car il a peur de lui déplaire et ne respecte plus les indications de son entraineur. Aussitôt qu’il commet une erreur, il jette un regard inquiet vers son père, c’est là que le jeune ne joue plus pour lui, pour son équipe et pour le plaisir car il ressent une pression supplémentaire qui est celle de ne pas vouloir décevoir.
Le «kick»
La fédération québécoise de soccer a mis sur pied un programme pour enrayer les dégagements et les gestes hâtifs, ce programme se nomme «Le kick ça s’arrête maintenant». Pour cela, il faut éduquer les jeunes à arrêter de balancer les ballons en avant, mais surtout conscientiser les parents pour ne pas valoriser de tels gestes. Voici un extrait du document préparé par la fédération québécoise de soccer :
Alors pour aller plus vite, le jeune va balancer le ballon n’importe où… et être encouragé à le faire par les parents autour du terrain voire son entraineur. Il aura esquivé les étapes où il doit regarder et réfléchir. Ainsi, il n’apprend jamais, il ne progresse pas, puisqu’il n’essaye pas.
Plus le ballon va haut, plus le ballon va loin plus les parents applaudissent… Les questions qu’il faut se poser sont : où va le ballon et à quoi a servi cette action? En valorisant pareils gestes, le jeune emporté par l’enthousiasme va répéter le même schéma et les ballons vont vriller dans les airs dans une vague de clameur parentale.
L’évolution du jeune dans le soccer est en constante évolution tout comme dans n’importe quelle forme pédagogique à laquelle il sera confronté, mais dans toutes celles-ci il y aura des essais et des erreurs. Le jeu long est la solution facile cependant à quoi bon prendre des raccourcis alors que l’alternative du jeu court favorise le jeu collectif tout en apprenant au joueur à se lever la tête et à faire travailler ses aptitudes techniques en développement.
Le jeune doit s’exprimer sur le terrain et faire des choix, parfois ils seront heureux, parfois hasardeux mais c’est dans cette expectative que le sport devient une formule d’apprentissage. La consolidation des acquis se fait par expérimentation et cela doit avant tout être compris par les parents. Dans l’emportement, les mots dépassent nos pensées et c’est pour cela que l’encouragement demeure l’unique forme qui sera conséquente dans le développement du jeune et surtout dans son plaisir de jouer.
Laissons les jouer
Comme l’article mentionné précédemment, le jeune doit s’exprimer pleinement sur le terrain sans se voir imposer des ordres, des indications… La peur de rater son geste, de ne pas convenir ôte une forme d’apprentissage par l’erreur.
En tant qu’entraineurs et dirigeants, nous devons être à l’écoute des joueurs. Nous devons créer l’environnement qui leur permettra d’apprendre le jeu à leur rythme, sans pression ou sans le stress de l’influence parentale ou des adultes. Nous devons permettre aux enfants de rester eux-mêmes et au jeu d’être ludique.
La dernière partie d’un entrainement, selon les différents intervenants lors des formations, doit se faire en jeu libre et permettre aux jeunes de s’exprimer avec leurs acquis. Ils seront à même de détecter les bonnes décisions à prendre par eux-mêmes. D’ailleurs au cours de l’excellente intervention d’Oliver Brett au cours du stage annuel pour les entraineurs de la LSQM, il était question de la prise de risque car cela est le fondement de l’apprentissage et du développement du joueur.
Amener le jeune à détecter lui même ses erreurs est également une forme d’apprentissage sain tout en le guidant graduellement vers une prise de risque qui entrainera le développement de ses qualités technicotactiques. Je terminerai ce papier sur le titre de l’article de Bobby Howe : LAISSONS LES JOUER.
Miguel Ruiz | Directeur technique ASLB