Klinsmann à la recherche du Messi américain
En prenant ses fonctions de sélectionneur des États-Unis il y a trois ans, Jürgen Klinsmann avait promis du changement. Les mots « action » et « réaction » revenaient souvent dans son discours, mais l’ancien international allemand a poussé sa réflexion plus loin. « Peut-être trouverons-nous quelqu’un par hasard, en train de jouer dans la rue. Il y a peut-être un Messi qui se cache quelque part aux États-Unis. Qui sait ? »
Ses propos n’étaient pas uniquement destinés à alimenter le débat. Klinsmann n’a négligé aucune piste pour tenter de dénicher la perle rare. Le territoire des États-Unis couvre près de dix millions de kilomètres carrés. Si les talents du calibre de Lionel Messi restent exceptionnellement rares, il serait bien étonnant qu’une telle superficie n’abrite pas quelques joueurs au potentiel inexploité.
Dans un pays de plus de 300 millions d’habitants, un sélectionneur peut légitimement espérer découvrir des footballeurs qui possèdent d’autres qualités que le sens du sacrifice ou un mental de guerrier. Pendant des décennies, les footballeurs américains se sont trop souvent résumés à ces deux clichés.
Universités et D2
Au cours de son mandat, Klinsmann a convoqué un nombre impressionnant d’internationaux. Deux joueurs illustrent parfaitement la volonté du sélectionneur d’élargir ses horizons. Miguel Ibarra est un attaquant tenace, qui sent parfaitement les coups. Depuis l’élimination des Stars and Stripes en huitièmes de finale de la Coupe du Monde de la FIFA, Brésil 2014™, le New-yorkais a déjà participé à deux stages avec l’équipe nationale. Visiblement, Klinsmann ne se soucie guère de savoir que son protégé évolue en North American Soccer League, la deuxième division américaine.
« Son exemple prouve que de nombreux chemins mènent au sommet », explique Klinsmann lorsqu’on l’interroge sur sa décision de sélectionner l’attaquant de Minnesota United. C’est la première fois depuis 2005 que l’on trouve en sélection un international basé aux États-Unis qui ne figure pas en MLS. L’ancien Monégasque a renouvelé l’expérience avec Jordan Morris, étudiant en deuxième année à l’université de Stanford. Ce dernier est devenu à cette occasion le premier universitaire à participer à un stage de la sélection depuis 1995. Rappelons qu’à l’époque, il n’existait pas de grand championnat national aux États-Unis.
« Nous jugeons les gens sur leur potentiel, en nous basant sur leur talent et leur volonté d’apprendre », explique Klinsmann à propos de Morris. Pour ne pas mettre en péril son statut d’amateur, le néo-international a même dû renoncer au défraiement habituellement versé à tout joueur appelé en équipe nationale. « Certains estiment que cette convocation arrive trop tôt pour Morris, qui est encore à l’université. Nous ne sommes pas de cet avis, car nous considérons qu’il a du potentiel. »
Il faut dire que Klinsmann tient un double rôle. En plus de ses fonctions de sélectionneur national, il officie en tant que directeur technique de la Fédération américaine de football. À première vue, on pourrait penser que les deux positions sont incompatibles : la première est tournée vers les résultats à court terme, tandis que l’autre doit prendre en considération des questions plus complexes et s’inscrire dans la durée.
Nutrition et ambition
Une chose est sûre, Klinsmann n’entend pas se laisser dicter sa conduite. Il a déjà critiqué le niveau de jeu en Major League Soccer. Cet été au Brésil, il n’a pas hésité à se passer des services de Landon Donovan, pourtant présenté comme le meilleur joueur américain de sa génération. À sa place, il a convoqué un jeune méconnu, Julian Green. L’Allemand lance régulièrement des défis aux joueurs qui apparaissent comme les piliers de son équipe : Clint Dempsey, Michael Bradley et Jozy Altidore n’ont pas été épargnés. Personne n’est à l’abri ; il n’y a pas d’intouchables. Parallèlement, le sélectionneur s’est régulièrement tourné vers des footballeurs récemment naturalisés et originaires de Norvège, d’Islande ou d’Allemagne. Il a aussi laissé une place à des professionnels plus âgés comme Chris Wondolowski et Kyle Beckerman, que l’on croyait trop vieux pour faire carrière au niveau international.
Pendant la Coupe du Monde, Klinsmann a même tenté un invraisemblable coup de poker en replaçant l’attaquant DaMarcus Beasley en défense. Il encourage la pratique du yoga et s’en prend régulièrement aux hamburgers. « Il ne vous viendrait pas à l’esprit de mettre du diesel dans votre Ferrari », avait-il lancé à un journaliste pour illustrer les mauvaises habitudes alimentaires de ses joueurs.
Sa dernière innovation en date concerne l’élargissement des programmes de formation et de développement. Klinsmann veut voir les joueurs intégrer ces institutions plus tôt, plus vite. Il souhaite mettre en place un réseau de techniciens dans tout le pays, qui seraient ses yeux et ses oreilles pour en scruter les moindres recoins. On peut se demander si ces mesures permettront de découvrir ce Messi américain, qui reste aujourd’hui un mythe. Mais en écoutant Klinsmann, on se dit que rien n’est impossible. « Nous sommes là pour élever encore le niveau. Nous voulons nous mesurer aux meilleurs », a-t-il récemment déclaré, avant d’ajouter que son équipe visait ouvertement une place en demi-finale de Russie 2018.