Courir mieux pour voir plus loin
Régulièrement bloquée au pied du podium, l’équipe de France féminine veut enfin passer le cap cet été lors du Mondial et mise notamment sur une préparation physique pointue, menée par Frédéric Aubert, un spécialiste passé par l’athlétisme, le rugby et le basket.
« C’est singulier que le sélectionneur ait appelé un préparateur athlétique qui ne vient pas du football », reconnaît ce Parisien de 59 ans, professeur agrégé d’EPS, choisi par Philippe Bergeroo lors de son arrivée à la tête des Bleues à l’été 2013.
« Il m’avait suivi dans mes aventures du rugby et du basket. Nous nous sommes souvent rencontrés dans des formations et le courant est vraiment passé », explique-t-il à l’AFP.
Après avoir débuté par l’athlétisme, Aubert a travaillé pendant sept ans avec le Stade Français et accompagné le XV de France pendant le Mondial-2003. Il a ensuite été le préparateur des équipes de France de basket féminine (2007-2012) et masculine (2011-2013). « Bergeroo m’a dit : « Des préparateurs physiques compétents, on en trouve, mais je compte sur toi pour leur donner envie et leur faire comprendre l’intérêt de ce travail ». Et ça a été facile parce qu’elles étaient convaincues que dans cette équipe de talent, il y avait un déficit athlétique », ajoute-t-il.
La remarque revient régulièrement, au risque d’apparaître comme une critique envers le précédent sélectionneur Bruno Bini et son staff : talentueuse et enthousiaste, l’équipe de France aurait par le passé péché physiquement.
« La préparation est intense et faite pour nous mettre dans les meilleures conditions. Ca n’était pas forcément le cas auparavant », a ainsi lâché la milieu de terrain Camille Abily. « On a augmenté les rations de travail à l’entraînement, passé un palier dans l’intensité. Est-ce que ça suffira ? Je l’espère », explique de son côté Bergeroo.
« Courir juste »
Dès le début de la préparation à Clairefontaine, cet accent mis sur le physique a été perceptible, avec par exemple 20 ou 30 minutes réservées à Aubert en entame de séance. « On a regardé les nations qui nous ont posé problème récemment. Les Japonaises, c’est une question de vivacité, de motricité athlétique. Les Allemandes (nous) posent problème sur le plan de la densité musculaire. Enfin, on a souvent été débordés par les Américaines sur le plan énergétique », explique Aubert.
« A partir de là, le tableau de marche est tracé. On a institué des fonctionnements qui n’étaient pas des habitudes en équipe de France, avec systématiquement du renforcement musculaire et régulièrement des blocs d’aérobie en sortie de football. Et de la vivacité sur les entrées de séance et les échauffements », ajoute-t-il.
La précision et la quantité de travail demandées rappellent à quel point la discipline s’est professionnalisée. Au point que la présence en équipe de France d’une joueuse au statut pleinement amateur serait aujourd’hui impensable. « Elle ne tiendrait pas, confirme Aubert. On ne peut pas battre les Allemandes ou les Américaines comme ça. »
« Il faut dire aussi que ça bosse dans les meilleurs clubs, poursuit-il. Il n’y a pas de magie. Dans les clubs qui alimentent l’équipe de France, j’ai des interlocuteurs en préparation athlétique. (…) Je sais où je vais. » Alors le préparateur travaille également les réglages les plus fins, jusqu’à apprendre aux joueuses à… bien courir. « Ca peut s’améliorer sur des détails d’équilibre, de posture, de justesse des appuis. On est plus rapide, on se fait moins mal et on dure. Il ne s’agit pas d’en faire des coureuses de 100 mètres mais (…) si elles courent juste, elles peuvent gagner beaucoup », estime Aubert. C’est justement leur objectif.